Problems
of insecurity, under development and marginalisation represent a veritable Time
Bomb in Cameroon. –Circle of thinkers and Elites of Adamawa
Memorandum from Adamawa
Region addressed to the ruling class in Cameroon as published in Journal l'œil du Sahel of November 14,
2018
MEMORANDUM
DE L'ADAMAOUA publié ce jour par le journal l'œil du Sahel du 14/11/2018.
Monsieur
Paul BIYA Président de
la
République du Cameroun
S/C
Monsieur
le gouverneur de la
Région
de l’Adamaoua
Excellence,
L’élection
présidentielle du 07 octobre 2018 vient de connaître son terme avec la publication
du résultat official par le Conseil Constitutionnel. Vous avez été réélu avec
un taux de 71,28%. La région de l’Adamaoua vous a choisi à 79,77%, soit plus de
huit (08 ) points au-dessus de votre score national.
A
l’aube de ce nouveau septennat, le temps des promesses électorales est révolu.
Place maintenant aux actions concrètes qui détermineront à court terme la
situation politique de la
région
avec les élections législatives, municipales et régionales. Le Cercle de
Réflexion des Elites de l’Adamaoua (CREA) a l’immense responsabilité de porter
à votre haute attention les problèmes spécifiques de cette région que taisent à
dessein ou par crainte révérencielle les élites politiques. Celles-ci sont
vieillissantes et impopulaires, plus soucieuses de leur confort personnel et de
la conservation de leurs privilèges que du bien-être des populations.
Au
rang des problèmes majeurs auxquels est confrontée notre région, figure
l’insécurité.
En
effet, depuis l’année 2013, la région de l’Adamaoua est en proie au phénomène
de prise d’otages et de vol de bétail, en raison de sa position géographique
unique, frontalière avec
trois
pays en crise (République Centrafricaine, Nigéria et Tchad). Des bandits armés,
sillonnant en toute liberté les zones rurales, commettent des exactions d’une
brutalité inouïe.
Des
éleveurs et des agriculteurs ou leurs proches sont kidnappés et leur libération
est subordonnée au paiement des rançons. Les cas suivants illustrent cette
nouvelle forme de banditisme rural :
•
le 14 mars 2017, LAWAN BAKARY, ALHADJI OUMAROU et ALHADJI BAKARI sont enlevés
dans le village dit SALTAKA dans l’arrondissement de NGANHA ; trente millions
(30.000.000) FCFA ont été versés aux ravisseurs pour obtenir leur libération.
•
dans la même localité, le nommé ALHADJI AMADOU a été kidnappé et libéré sept
(07) mois plus tard après paiement de la somme de vingt millions (20.000.000
FCFA) ;
•
dans l’arrondissement de MARTAP, un éleveur nommé ALHADJI DAOUDA a été enlevé courant
janvier 2016 puis libéré après versement d’une rançon de vingt-quatre millions
(24.000.000)
FCFA ;
•
dans le même arrondissement, au lieu-dit BOL ISSA, les nommés MOHAMADOU ARABO,
MAÏGARI BELLO, ALHADJI MOUSSA et MOHAMADOU FAÏÇAL ont payé vingt-quatre
millions (24.000.000) FCFA pour recouvrer leur liberté auprès des preneurs
d’otage.
•
dans l’arrondissement de Belel, en mai 2015, un enfant de dix (10) ans a été
kidnappé. Quelques jours plus tard, son corps sans vie a été retrouvé en brousse.
La victime a été sauvagement assassinée malgré le paiement de rançon par ses
parents.
Les
cas ci-dessus sont loin d’être exhaustifs ; beaucoup d’otages malheureusement
sont parfois froidement abattus, pendus ou égorgés en cas de non-paiement de
rançon. Face à cette situation, beaucoup d’éleveurs ou agriculteurs bradent
tout leur patrimoine pour payer des rançons.
On
estime aujourd’hui à plus d’un milliard le montant des rançons versées ces
trois dernières années, chiffre probablement sous-estimé, compte tenu de
nombreux cas de non-dénonciations par peur des représailles. Aujourd’hui
plusieurs villages sont désertés par leurs habitants à cause de cette
insécurité.
Le
nombre de réfugiés internes consécutifs au phénomène de prise d’otages est
estimé à plus de quatre mille (4 000). Les vols de bétails perpétrés par les bandits
organisés ont pris également une croissance exponentielle. Pas un jour sans
qu’on ne déplore le vol de bétail. A titre illustratif, un réseau qui avait à
son actif plus de trois mille têtes de bêtes volées a été démantelé à Meïganga.
Les phénomènes de prise d’otage et de vols de bétail affectent
durablementl’économie de la région basée essentiellement sur l’élevage de
bovins et sur
l’agriculture,
accentuant ainsi la pauvreté et le chômage. Les populations de l’Adamaoua sont
meurtries et frustrées par l’inaction des autorités qui pourtant ont vocation à
protéger les personnes et leurs biens.
La
Justice, chargée de réprimer les vols de bétail, semble complaisante, voire
complice des auteurs qui sont notoirement connus et bénéficient de la protection
de ceux qui sont chargés deréprimer ces actes. Les voleurs de bétail sont très
souvent remis en liberté à l’instar des membres du réseau démantelé à Meïganga
dans le Mbéré. La corruption de la justice procure l’impunité aux bandits qui
continuent leurs activités criminelles en toute sérénité ; Les forces de
sécurité et de défense sont quasi absentes sur le terrain. En dehors de leurs
effectifs insuffisants, les éléments de l’armée ne disposent pas de matériels
roulants facilitant leurs déplacements dans cette vaste région. Comment peut-on
imaginer que dans les localités de Martap, Nganha, Belel, Mbé, Dir, Ngaoui,
Minim, Doualayel, Garbaya etc… épicentres de la grande criminalité rurale, les maigres
effectifs en détachement ne disposent pas de véhicules d’intervention alors que
dans les grands centres urbains, des hauts gradés de l’armée et de la police se
baladent dans des 4x4 rutilants hors de prix, sans que ces véhicules ne servent
à la sécurité de leurs concitoyens.
Monsieur
le Président de la République, l’insécurité dans l’Adamaoua, perpétrée par les
preneurs d’otage est susceptible de déstabiliser tout le pays. Les bandes
armées qui sillonnent les zones rurales sont aussi pernicieuses que les
éléments de Boko Haram. Elles font des prises d’otage, des vols de bétails et
des assassinats leur marque de fabrique. Lors de votre discours à l’Assemblée
Nationale prononcé le 06 Novembre 2018 après votre prestation de serment, le
problème d’insécurité dans l’Adamaoua n’a pas été évoqué. Pourtant sa gravité
est réelle. Tout laisse croire que les autorités locales n’ont pas cru devoir
porter cette situation à votre haute connaissance.
Si aucune mesure
concrète n’est prise, il y a risque de voir des jeunes chômeurs de plus en plus
nombreux s’enrôler dans ces bandes armées, phénomène susceptible de faire le
lit du terrorisme.
Outre ce problème d’insécurité, la région de l’Adamaoua souffre de
l’insuffisance d’infrastructures de base propices au bien-être des populations.
L’érection du Département de l’Adamaoua en province ne s’est pas accompagnée
d’infrastructures adé- quates de transport, de santé et, d’éducation. Les
réseaux de distribution d’eau et d’électricité sont quasi inexistants.
L’Adamaoua
est aujourd’hui parmi les dix régions du Cameroun, la dernière en matière de
développement malgré ses énormes potentialités économiques.
Peuplée
de plus d’un million d’habitants (recensement de 2005), la régioncompte de nos
jours plus d’un million huit cent mille (1.800.000) habitants
selon
les estimations les plus prudentes.
Cette
population se caractérise par : - 53% âgés de moins de 20 ans ; - 55% vivant en
dessous du seuil de pauvreté ; - 77% n’ayant pas accès à l’eau potable ; - 75%
n’ayant pas accès à l’électricité.
Le
secteur de la santé publique est marqué par l’insuffisance d’infrastructures
d’accueil et la rupture d’approvisionnement en médicaments essentiels dans les
centres de santé. La région
compte
seulement 40 médecins sur environ 1600 exerçant au Cameroun soit un médecin
pour 50 000 habitants contre un médecin sur 3 000 habitants recommandé par
l’OMS. A cette insuffisance quantitative, s’ajoute l’absence de médecins
spécia- listes (Cardiologue, Rhumatologue, Gynécologue, Pédiatre, Urologue...)
de sorte que seuls les malades nantis peu- vent s’offrir « l’évacuation
sanitaire » dans les grands centres urbains (Yaoundé ou Douala).
S’agissant
des infrastructures routières, sur environ 5000 km de route, seuls 350 km sont
bitumés et ce grace à la nationale n°1 qui traverse la region pour desservir le
Tchad en passant par Garoua ou par Touboro. L’axe Garoua-Ngaoundéré, long de 275
km, route mythique du Grand Nord inaugurée en 1974, est aujourd’hui dégradée au
point où il faut plus de 8 heures pour parcourir cette distance. Cette
malheureuse situation laisse toutes les élites de la Région Septentrionale
indifférentes. En dehors de l’axe Ngaoundéré Meïganga, aucune route bitumée ne relie
la Capitale Régionale aux autres chefs-lieux de départements (Banyo, Tignère,
Tibati).
En
ce qui concerne l’éducation, l’Adamaoua est classée parmi les régions les moins
scolarisées du pays. Ce secteur est caractérisé par l’insuffisance des
établissements scolaires.
Dans les zones rurales, de nombreuses écoles
primaires sont logées dans des cabanes ou des huttes. La plupart des écoles
(80%) ne disposent ni de points d’eau, ni de latrines ; ce qui expose les élèves
aux maladies. Malgré l’existence d’un Centre Universitaire à Ngaoundéré depuis
plus de 25 ans, l’accès, surtout au cycle supérieur est fermé aux enfants de l’Adamaoua
du fait d’une selection arbitraire et tribale. Les concours d’entrées dans les
grandes écoles sont devenus un haut lieu des magouilles, des dessous de table
et des trafics d’influences aux profits des plus nantis ou des élites politico
administratives .les enfants des familles pauvres sont exclus de fait de la
gestion des affaires du pays.
L’Adamaoua
est pratiquement la seule région qui ne dispose ni d’industrie ni d’entreprise
publique pourvoyeuse d’emplois. Les sociétés de développement génératrices
d’emplois et de revenu sont inexistantes, la SODEBLE et de la Société de
Tannerie et de Peausserie du Cameroun étant fermées depuis belle lurette. Ce
sous-développement est certainement la conséquence de l’absence des ressortissants
de la région dans la gestion des affaires du pays.
Dans
le précédent memorandum publié le 15 aout 2016, votre haute attention a été
attirée par la marginalisation des ressortissants de l’Adamaoua. Chiffres à
l’appui, et ce dans tous les grands corps de l’Etat, l’Adamaoua brille par sa
sous-représentation : − 03 membres du Gouvernement sur un effectif de 60 ; −
Aucun ressortissant responsible à la Présidence de la République ; − 02
Secrétaires Généraux de Ministère sur 37 ; − 01 Directeur Général sur 97 entreprises
et établissements publics; − 01 Général des armées sur 37 ; − 04 Commissaires
divisionnaires sur 100 ; − 0,5% de ressortissants admis aux grandes écoles
(Enam, FMSBM, Emia, Polytechnique etc) ; − 0,3% dans la fonction publique et les
entreprises publiques ; − 02 Directeurs de l’Administration Centrale sur 700 ; −
Aucun Inspecteur Général. De tout ce qui précède, il est indéniable que la
région de l’Adamaoua est victime d’ostracisme assimilable à une discrimination
punitive ou à un mépris. Les élites politiques de l’Adamaoua dont le rôle est
de défendre le développement de la région et le bienêtre des populations ont
failli. Il est loisible de constater que cette élite vieillissante, égoïste et
couarde est incapable de résoudre le moindre problème de la région constituée à
70% de jeunes de moins de 35 ans.
Faute
de trouver des solutions durables et justes aux problèmes de sécurité, de sous développement
et de marginalisation de ses ressortissants, ces jeunes représentent une veritable
bombe à retardement. Le taux officiel d’abstention de 47% constatés lors de la
dernière election présidentielle et le suffrage accordé au jeune candidat
Cabral LIBII ne sont pas anecdotiques, mais plutôt témoignent de la lassitude
et de la defiance vis-à-vis de cette élite qui ne se manifeste que lors des
échéances électorales.
Veuillez
agréer Excellence
Monsieur
le Président, l’expression de
notre
très haute considération.
Ngaoundéré,
le 07 Novembre 2018
Pour
le Cercle de Réflexion des
Elites
de l’Adamaoua
Le
Coordonnateur
ABBO
HAMADJOULDE
CC
: Premier Ministre
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