Monday 31 July 2017

LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN


                                                                                                                                             Douala, 26 Juillet 2017


 Monsieur le Président de la République, 

En cette deuxième moitié de l’année 2017, notre pays est confronté à une multitude de crises.
Cette situation n’est certes pas nouvelle, car comme tous les camerounais le constatent au quotidien, le Cameroun se trouve dans un état préoccupant. Cependant, certaines crises majeures présentent un danger imminent pour la stabilité à très court terme de notre pays.
C’est pourquoi, nous vous interpellons afin que vous agissiez de toute urgence. 

Kah Walla


La Lutte contre Boko Haram
Monsieur le Président, c’est avec fierté que nous saluons le travail extraordinaire accompli par les forces armées camerounaises en collaboration avec les pays voisins au sein de la Force Multinationale Mixte, pour réduire la capacité de Boko Haram à commettre des atrocités contre nos citoyens. Toutefois, il est aussi important de reconnaître à ce jour que nous sommes confrontés à des défis nouveaux dans cette lutte, notamment : 
·         La récurrence des attentat-suicides indique que nous avons encore un important travail à faire pour neutraliser complètement Boko Haram et ramener la paix et la sécurité dans cette partie du pays. 
·         La probabilité d’une baisse de l’efficacité de la Force Multinationale Mixte, dérivant du fait qu'elle n'a pas reçu le financement nécessaire à son fonctionnement et qu'un partenaire clé, le Tchad, réduit les ressources qu'il alloue à cette force en raison de ses propres difficultés internes ;
·         La prise en charge inadéquate des 223,000 Camerounais Déplacés Internes qui entraine une double peine pour nos compatriotes de cette région : victimes de Boko Haram et victimes de la mauvaise gouvernance de l'État du Cameroun
·         Une approche essentiellement militaire, négligeant les solutions sociales et économiques qui traiteraient les causes premières de la capacité de Boko Haram à recruter et kidnapper les citoyens à l’intérieur de nos frontières. 
·         Les cas sérieux de violation des droits de l'homme incluant la torture des citoyens camerounais révélés par le rapport d'Amnesty International. Il vous souvient peut-être que des cas de violation des droits de l'homme, avaient déjà été rapportés par des ONG camerounaises tel que le REDHAC, il y a deux ans. Monsieur le Président, Amnesty International n'est pas notre ennemi : c’est un lanceur d’alerte. C'est faire preuve de sagesse, que de faire bon usage des alertes. En l’espèce, cette alerte, peut nous permettre de corriger certains éléments dysfonctionnels de notre système de défense, par ailleurs dévastateurs pour nos citoyens et contre-productifs dans la lutte contre Boko Haram. Ceci renforcera l’image de l’armée camerounaise qui en sa majorité fait un bon travail de défense de notre nation.

 Monsieur le Président, pour agir en faveur de la sécurité de nos citoyens dans cette nouvelle phase de la lutte contre Boko Haram et apporter des solutions capables d’éradiquer durablement Boko Haram ainsi que d'autres groupes extrémistes dans notre pays, le Cameroon People’s Party exige qu’un Task Force (groupe de travail) indépendant et pluridisciplinaire soit mis en place. Ce groupe de travail aura la responsabilité de définir les stratégies non militaires dans la lutte contre Boko Haram. Ses responsabilités majeures incluront notamment : 
·         L’encadrement des Camerounais déplacés internes qui, du point de vue numérique sont les victimes les plus importantes de Boko Haram. Si la qualité et la quantité des services qui leurs sont dû ne sont pas revus à la hausse, nous les exposeront alors aux enlèvements et au recrutements de Boko Haram. 
·         L'élaboration et la mise en œuvre des stratégies sociales et économiques qui attaqueront les causes premières de l'extrémisme dans cette région. Ces stratégies devront s'étendre dans les régions du Nord et de l’Adamaoua pour assurer leur durabilité.
·         La mise en place d’un mécanisme d’alerte qui permettra aux citoyens de dénoncer des violations des droits de l'homme et les actes de corruption perpétrés par n'importe quel acteur de l’Etat ou non, impliqué dans la lutte contre Boko Haram. Ceci inclura le travail avec des ONG locales et internationales pour établir la véracité des actes dénoncés et la concertation avec les bureaux des forces armées appropriés pour assurer que les mesures sont prises pour empêcher les violations des droits de l'homme et que les sanctions proportionnelles sont appliquées. 
·         L’élaboration avec les autorités traditionnelles et religieuses dans la région et la mise en œuvre de stratégies efficaces pour l’éradication de l'extrémisme religieux et idéologique.
·         La prise en compte systématique, dans toutes les solutions et recommandations, des besoins spécifiques des femmes, des jeunes et des enfants qui sont les victimes les plus importantes de Boko Haram. 
Ce groupe de travail pluridisciplinaire pourra comprendre des membres tels que : 
·         Des personnes déplacées internes, victimes de Boko Haram ;
·         Des membres des groupes communautaires de défense impliqués dans la lutte contre Boko Haram
·         Les autorités religieuses multiconfessionnelles impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·         Les autorités traditionnelles impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·         Les ONG locales et internationales impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·         Les représentants des groupes à la base vivant dans les trois régions concernées.
Ce groupe de travail devrait avoir un nombre égal d'hommes et de femmes. au moins 30 % de ses membres devraient avoir entre 20 et 30 ans. 
Il devra être doté du pouvoir de veiller à ce que les agences gouvernementales agissent de façon efficace en temps et en heure. Il sera tenu d’élaborer des objectifs à court (6-9 mois) et moyen (2-3 ans) terme.
Il devra tenir des réunions publiques mensuelles pour rendre compte de son travail et donner aux citoyens et aux médias l’opportunité d'évaluer et de contribuer à ce travail.

La Rentrée Scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
Monsieur le Président, ces derniers 10 mois, la crise anglophone a secoué notre nation, ramenant en surface des problèmes non seulement vieux de plusieurs décennies, mais liés à la fondation même de notre nation. Le traitement désastreux de cette crise par votre gouvernement a mis en danger notre unité nationale et favorisé l'émergence de groupes radicaux qui proposent des solutions qui pourraient signifier la fin du Cameroun tel que nous le connaissons aujourd’hui. Bien qu’il soit urgent de résoudre cette crise dans son ensemble, il y a un aspect qui nécessite votre attention immédiate.
·         Selon plusieurs estimations, plus de 3 millions d'enfants n'ont pas pu terminer l'année scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
·         Malgré les menaces et la force utilisées par votre gouvernement pour ramener les enfants dans les salles de classe, peu d'entre eux l'ont fait.
·         Les appels actuels pour que les enfants s'inscrivent à l'école par votre gouvernement ne fournissent pas de réponses concrètes aux questions suivantes :
o   Dans quelles classes les enfants doivent-ils s'inscrire ? Pour être précis, doivent-ils redoubler ou passer à la classe supérieure ?
o   Quelles mesures ont été prises pour que les enfants reçoivent les leçons et acquièrent les connaissances qu'ils ont manquées durant la dernière année scolaire ?
o   Comment les écoles devraient-elles organiser cela en termes de jours et heures supplémentaires d'enseignement ?
·         Les parents ont retenu leurs enfants loin de l'école pour une multitude de raisons. Parmi les plus importantes, l'atmosphère d'insécurité. L'hyper-militarisation de ces régions ainsi que les arrestations et les détentions arbitraires, qui se poursuivent à ce jour, ont été les facteurs déterminant de cette atmosphère d'insécurité.
Monsieur le Président, notre pays ne peut pas se permettre une année scolaire blanche supplémentaire pour des millions de ses enfants. Vous êtes en mesure de veiller à ce que ces enfants jouissent de leur droit à l'éducation. C’est pourquoi, nous exigeons que vous preniez sans tarder, les mesures suivantes : 
1.       Libérez tous ceux qui ont été arrêtés dans le cadre de la crise anglophone. Toutes ces arrestations ont été effectuées illégalement sans respect du droit camerounais. La libération de ces personnes contribuera à détendre l’atmosphère et permettra la reprise du dialogue en vue du règlement de la crise et dans l’immédiat, au retour des enfants à l'école dans quelques semaines.
2.       Demandez à la Justice d’abandonner les charges contre le clergé anglophone. Ces méthodes qui frôlent le ridicule, constituent des barrières absurdes pour la résolution de la crise anglophone.
3.       Recevez les syndicats des enseignants et définissez ensemble, des stratégies durables afin de résoudre :
a)      Le problème de l'année scolaire blanche 2017-2018
b)      Les problèmes fondamentaux exposés par les enseignants anglophones en novembre 2016 qui, au lieu d'être résolus, ont conduit à leur arrestation et leur exil.
Monsieur le Président, les membres de votre gouvernement ont rappelé à plusieurs reprises aux Camerounais au cours des derniers mois que l'éducation est un droit. Nous vous rappelons maintenant que, en tant que Chef de l’Etat, vous êtes le garant de ce droit. Nous sommes à quelques semaines du début de l'année scolaire. Prenez les trois mesures ci-dessus et garantissez le droit à l'éducation à des millions d'enfants camerounais.

La Situation Financière du Cameroun
Monsieur le Président, les récentes actions de votre part nous laissent perplexes et nous plongent dans l’incertitude en ce qui concerne les finances du Cameroun. Comme vous le savez, l'incertitude en matière financière est catastrophique pour la réalisation de notre objectif commun de croissance de l'économie du Cameroun et de création d'emplois. Les investisseurs, qu'ils soient locaux ou internationaux, n’investissent pas dans des marchés où l'avenir financier est incertain. À cet égard, nous vous demandons de prendre les mesures clés suivantes et de répondre aux questions suivantes. Si cela s'avère nécessaire, nous rappelons que l'argent en question appartient aux Camerounais.
Le peuple camerounais a besoin et a droit à une réunion publique sur les finances de l’Etat. Votre gouvernement crée des dépenses et contracte des dettes en dehors du processus budgétaire. Dans ce contexte, il est devenu pratiquement impossible pour les Camerounais de connaître l'état exact des finances de l’Etat. Cela est inacceptable. Convoquez ou instruisez à vos ministres des finances et de l'économie de convoquer une réunion publique sur les finances nationales afin de mettre au clair la situation financière exacte du Cameroun. Au cours de cette réunion publique, il conviendra de répondre aux questions suivantes :

1.       Quel est à ce jour l'état des finances du Cameroun en termes de revenus, de dépenses et de dettes?
2.       Qu'est-ce qui justifie notre fort endettement au cours des 5 dernières années ? Bien que nous comprenions clairement l’argument de la chute des prix du pétrole et l'augmentation des budgets pour les dépenses militaires, nous avons besoin d'informations précises concernant :
a)      L'utilisation des réserves établies lorsque les prix du pétrole étaient élevés
b)      Le budget exact des dépenses militaires
c)       La justification de la dette pour les actifs non productifs tels que les ordinateurs
d)      La justification de la création de plans d'urgence au milieu de l'année financière, sans en référer à l'Assemblée Nationale pour des problèmes connus avant la session parlementaire.
e)      La justification de la non réduction des dépenses publiques malgré les revenus et la croissance qui ont diminué au cours des 3 dernières années.
3.       Le gouvernement semble avoir des problèmes continus de flux de trésorerie, ce qui entraîne des paiements retardés pour les fournisseurs de l’Etat et des décaissements tardifs pour des projets d'investissement. Quelle en est la cause ? Le gouvernement étant l'un des acteurs économiques les plus importants du Cameroun, les retards dans le décaissement ralentissent l'ensemble de l'économie. Nous avons besoin d'une explication pour savoir pourquoi cela ne peut être corrigé année après année.
4.       Votre gouvernement s'est mis en position de contracter des dettes auprès du FMI. Les objectifs officiels de cette dette indiquent que c’est pour « l'amélioration de la compétitivité du Cameroun et le potentiel de croissance à moyen terme ». Monsieur le Président, ce sont des objectifs louables. Cependant, votre gouvernement a contracté son premier prêt du FMI en 1997. En 2000, vous nous avez introduit dans le programme « Pays Pauvre et Très Endetté » (PPTE). En 2017 vous avez de nouveau contracté un prêt du FMI. Tous ces prêts portent les mêmes objectifs cités ci-dessus. Pourquoi cela ? De 1997 à ce jour, la pauvreté a stagné à environs 40% au Cameroun, les services de santé et d'éducation ont diminué en qualité et vous avez été incapable de traduire la croissance du PIB en emplois et revenus pour les Camerounais. Monsieur le Président, qu'est-ce que vous et votre gouvernement avez l'intention de faire différemment cette fois-ci ? Quelles mesures seront prises pour que cette dette que les Camerounais paieront longtemps après vous, soit bénéfique pour les citoyens camerounais ?
5.       En juin 2017, vous avez fourni des directives budgétaires à votre gouvernement pour le budget national de 2018. Dans ces directives, vous n'avez fait aucune mention de l'organisation des élections. Il y a quatre élections sur le calendrier électoral du Cameroun pour 2018. Monsieur le Président, est-ce que vous jouez à nouveau avec la vie et l'avenir des 23 millions de Camerounais que vous dites que nous sommes ? Avez-vous l'intention de tenir des élections à la surprise générale du peuple camerounais ? Ou alors vous comptez ne pas les tenir du tout ?

Monsieur le Président, Pour le Cameroon People’s Party (CPP), ces crises démontrent que la solution pour le Cameroun est celle d'une Transition Politique. Notre pays doit mener une analyse objective et approfondie de sa situation actuelle, puis reconstruire et redéfinir le fondement même de ce qui nous unit en tant que peuple. Nous avons besoin d'institutions et de systèmes qui nous permettrons de construire le Cameroun Leader en Afrique et dans le monde.
Pour l’heure, les mesures urgentes que nous avons demandées ci-dessus exigent votre attention dans les 2 à 3 prochaines semaines. Ce serait à la fois une surprise et un soulagement de vous voir réagir dans ce délai.
Monsieur le Président, la situation actuelle du Cameroun exige que vous preniez ces mesures pour éviter d'autres catastrophes au peuple. Si vous ne parvenez pas à le faire, cela signifierait qu’il est temps, pour vous, Monsieur le Président, de mener l’action la plus importante de votre carrière politique, celle de démissionner pour permettre au Cameroun d'entrer dans sa transition politique et de construire son avenir.

Dans le plus grand intérêt de notre bien-aimée nation,
                                                                                                                                                            
Pour le Cameroon People’s Party
Kah Walla
Présidente Nationale

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