Monsieur le Président de la République,
En cette deuxième
moitié de l’année 2017, notre pays est confronté à une multitude de crises.
Cette situation
n’est certes pas nouvelle, car comme tous les camerounais le constatent au
quotidien, le Cameroun se trouve dans un état préoccupant. Cependant, certaines
crises majeures présentent un danger imminent pour la stabilité à très court
terme de notre pays.
C’est pourquoi,
nous vous interpellons afin que vous agissiez de toute urgence.
Kah Walla |
La Lutte contre Boko Haram
Monsieur le
Président, c’est avec fierté que nous saluons le travail extraordinaire
accompli par les forces armées camerounaises en collaboration avec les pays
voisins au sein de la Force Multinationale Mixte, pour réduire la capacité de
Boko Haram à commettre des atrocités contre nos citoyens. Toutefois, il est
aussi important de reconnaître à ce jour que nous sommes confrontés à des défis
nouveaux dans cette lutte, notamment :
·
La récurrence des attentat-suicides
indique que nous avons encore un important travail à faire pour neutraliser
complètement Boko Haram et ramener la paix et la sécurité dans cette partie du
pays.
·
La probabilité d’une baisse de
l’efficacité de la Force Multinationale Mixte, dérivant du fait qu'elle n'a pas
reçu le financement nécessaire à son fonctionnement et qu'un partenaire clé, le
Tchad, réduit les ressources qu'il alloue à cette force en raison de ses propres
difficultés internes ;
·
La prise en charge inadéquate des 223,000 Camerounais Déplacés Internes qui entraine une double peine pour
nos compatriotes de cette région : victimes de Boko Haram et victimes
de la mauvaise gouvernance de l'État du Cameroun
·
Une approche essentiellement
militaire, négligeant les solutions sociales et économiques qui traiteraient
les causes premières de la capacité de Boko Haram à recruter et kidnapper les
citoyens à l’intérieur de nos frontières.
·
Les cas sérieux de violation des
droits de l'homme incluant la torture des citoyens camerounais révélés par le
rapport d'Amnesty International. Il vous souvient peut-être que des cas de
violation des droits de l'homme, avaient déjà été rapportés par des ONG
camerounaises tel que le REDHAC, il y a deux ans. Monsieur le Président,
Amnesty International n'est pas notre ennemi : c’est un lanceur d’alerte.
C'est faire preuve de sagesse, que de faire bon usage des alertes. En l’espèce,
cette alerte, peut nous permettre de corriger certains éléments dysfonctionnels
de notre système de défense, par ailleurs dévastateurs pour nos citoyens et
contre-productifs dans la lutte contre Boko Haram. Ceci renforcera l’image
de l’armée camerounaise qui en sa majorité fait un bon travail de défense de notre
nation.
Monsieur le Président, pour agir en faveur de la sécurité de nos citoyens dans cette nouvelle phase de la lutte contre Boko Haram et apporter des solutions capables d’éradiquer durablement Boko Haram ainsi que d'autres groupes extrémistes dans notre pays, le Cameroon People’s Party exige qu’un Task Force (groupe de travail) indépendant et pluridisciplinaire soit mis en place. Ce groupe de travail aura la responsabilité de définir les stratégies non militaires dans la lutte contre Boko Haram. Ses responsabilités majeures incluront notamment :
·
L’encadrement des Camerounais déplacés
internes qui, du point de vue numérique sont les victimes les plus importantes
de Boko Haram. Si la qualité et la quantité des services qui leurs sont dû ne
sont pas revus à la hausse, nous les exposeront alors aux enlèvements et au
recrutements de Boko Haram.
·
L'élaboration et la mise en œuvre des
stratégies sociales et économiques qui attaqueront les causes premières de
l'extrémisme dans cette région. Ces stratégies devront s'étendre dans les
régions du Nord et de l’Adamaoua pour assurer leur durabilité.
·
La mise en place d’un mécanisme
d’alerte qui permettra aux citoyens de dénoncer des violations des droits de
l'homme et les actes de corruption perpétrés par n'importe quel acteur de
l’Etat ou non, impliqué dans la lutte contre Boko Haram. Ceci inclura le
travail avec des ONG locales et internationales pour établir la véracité des
actes dénoncés et la concertation avec les bureaux des forces armées appropriés
pour assurer que les mesures sont prises pour empêcher les violations des
droits de l'homme et que les sanctions proportionnelles sont appliquées.
·
L’élaboration avec les autorités
traditionnelles et religieuses dans la région et la mise en œuvre de stratégies
efficaces pour l’éradication de l'extrémisme religieux et idéologique.
·
La prise en compte systématique, dans
toutes les solutions et recommandations, des besoins spécifiques des femmes,
des jeunes et des enfants qui sont les victimes les plus importantes de Boko
Haram.
Ce groupe de
travail pluridisciplinaire pourra comprendre des membres tels que :
·
Des personnes déplacées internes,
victimes de Boko Haram ;
·
Des membres des groupes communautaires
de défense impliqués dans la lutte contre Boko Haram
·
Les autorités religieuses
multiconfessionnelles impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·
Les autorités traditionnelles
impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·
Les ONG locales et internationales
impliquées dans la lutte contre Boko Haram ;
·
Les représentants des groupes à la
base vivant dans les trois régions concernées.
Ce groupe de travail devrait avoir un nombre
égal d'hommes et de femmes. au moins 30 % de ses membres devraient avoir entre
20 et 30 ans.
Il devra être
doté du pouvoir de veiller à ce que les agences gouvernementales agissent de
façon efficace en temps et en heure. Il sera tenu d’élaborer des objectifs à
court (6-9 mois) et moyen (2-3 ans) terme.
Il devra tenir
des réunions publiques mensuelles pour rendre compte de son travail et donner
aux citoyens et aux médias l’opportunité d'évaluer et de contribuer à ce
travail.
La Rentrée
Scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
Monsieur le Président, ces derniers 10 mois,
la crise anglophone a secoué notre nation, ramenant en surface des problèmes
non seulement vieux de plusieurs décennies, mais liés à la fondation même de
notre nation. Le traitement désastreux de cette crise par votre gouvernement a
mis en danger notre unité nationale et favorisé l'émergence de groupes radicaux
qui proposent des solutions qui pourraient signifier la fin du Cameroun tel que
nous le connaissons aujourd’hui. Bien qu’il soit urgent de résoudre cette crise
dans son ensemble, il y a un aspect qui nécessite votre attention immédiate.
·
Selon
plusieurs estimations, plus de 3 millions d'enfants n'ont pas pu terminer
l'année scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
·
Malgré
les menaces et la force utilisées par votre gouvernement pour ramener les
enfants dans les salles de classe, peu d'entre eux l'ont fait.
·
Les
appels actuels pour que les enfants s'inscrivent à l'école par votre
gouvernement ne fournissent pas de réponses concrètes aux questions
suivantes :
o
Dans
quelles classes les enfants doivent-ils s'inscrire ? Pour être précis, doivent-ils
redoubler ou passer à la classe supérieure ?
o
Quelles
mesures ont été prises pour que les enfants reçoivent les leçons et acquièrent
les connaissances qu'ils ont manquées durant la dernière année scolaire ?
o
Comment
les écoles devraient-elles organiser cela en termes de jours et heures
supplémentaires d'enseignement ?
·
Les
parents ont retenu leurs enfants loin de l'école pour une multitude de raisons.
Parmi les plus importantes, l'atmosphère d'insécurité. L'hyper-militarisation
de ces régions ainsi que les arrestations et les détentions arbitraires, qui se
poursuivent à ce jour, ont été les facteurs déterminant de cette atmosphère d'insécurité.
Monsieur le Président, notre pays ne peut pas
se permettre une année scolaire blanche supplémentaire pour des millions de ses
enfants. Vous êtes en mesure de veiller à ce que ces enfants jouissent de leur
droit à l'éducation. C’est pourquoi, nous exigeons que vous preniez sans
tarder, les mesures suivantes :
1. Libérez
tous ceux qui ont été arrêtés dans le cadre de la crise anglophone. Toutes ces arrestations ont été
effectuées illégalement sans respect du droit camerounais. La libération de ces
personnes contribuera à détendre l’atmosphère et permettra la reprise du
dialogue en vue du règlement de la crise et dans l’immédiat, au retour des
enfants à l'école dans quelques semaines.
2. Demandez
à la Justice d’abandonner les charges contre le clergé anglophone. Ces méthodes qui frôlent le ridicule,
constituent des barrières absurdes pour la résolution de la crise anglophone.
3. Recevez
les syndicats des enseignants et définissez ensemble, des stratégies durables afin de résoudre :
a) Le problème de l'année scolaire
blanche 2017-2018
b) Les problèmes fondamentaux exposés par
les enseignants anglophones en novembre 2016 qui, au lieu d'être résolus, ont
conduit à leur arrestation et leur exil.
Monsieur le Président, les membres de votre
gouvernement ont rappelé à plusieurs reprises aux Camerounais au cours des
derniers mois que l'éducation est un droit. Nous vous rappelons maintenant que,
en tant que Chef de l’Etat, vous êtes le garant de ce droit. Nous sommes à
quelques semaines du début de l'année scolaire. Prenez les trois mesures
ci-dessus et garantissez le droit à l'éducation à des millions d'enfants
camerounais.
La Situation
Financière du Cameroun
Monsieur le Président, les récentes actions
de votre part nous laissent perplexes et nous plongent dans l’incertitude en ce
qui concerne les finances du Cameroun. Comme vous le savez, l'incertitude en
matière financière est catastrophique pour la réalisation de notre objectif
commun de croissance de l'économie du Cameroun et de création d'emplois. Les
investisseurs, qu'ils soient locaux ou internationaux, n’investissent pas dans
des marchés où l'avenir financier est incertain. À cet égard, nous vous
demandons de prendre les mesures clés suivantes et de répondre aux questions
suivantes. Si cela s'avère nécessaire, nous rappelons que l'argent en question
appartient aux Camerounais.
Le peuple
camerounais a besoin et a droit à une réunion publique sur les finances de
l’Etat. Votre gouvernement crée des dépenses et contracte des dettes en dehors du
processus budgétaire. Dans ce contexte, il est devenu pratiquement impossible
pour les Camerounais de connaître l'état exact des finances de l’Etat. Cela est
inacceptable. Convoquez ou instruisez à
vos ministres des finances et de l'économie de convoquer une réunion publique
sur les finances nationales afin de mettre au clair la situation financière
exacte du Cameroun. Au cours de cette réunion publique, il conviendra de
répondre aux questions suivantes :
1. Quel est à ce jour l'état des finances
du Cameroun en termes de revenus, de dépenses et de dettes?
2. Qu'est-ce qui justifie notre fort
endettement au cours des 5 dernières années ? Bien que nous comprenions
clairement l’argument de la chute des prix du pétrole et l'augmentation des
budgets pour les dépenses militaires, nous avons besoin d'informations précises
concernant :
a) L'utilisation des réserves établies
lorsque les prix du pétrole étaient élevés
b) Le budget exact des dépenses
militaires
c) La justification de la dette pour les
actifs non productifs tels que les ordinateurs
d) La justification de la création de
plans d'urgence au milieu de l'année financière, sans en référer à l'Assemblée
Nationale pour des problèmes connus avant la session parlementaire.
e) La justification de la non réduction
des dépenses publiques malgré les revenus et la croissance qui ont diminué au
cours des 3 dernières années.
3. Le gouvernement semble avoir des
problèmes continus de flux de trésorerie, ce qui entraîne des paiements
retardés pour les fournisseurs de l’Etat et des décaissements tardifs pour des
projets d'investissement. Quelle en est la cause ? Le gouvernement étant l'un
des acteurs économiques les plus importants du Cameroun, les retards dans le
décaissement ralentissent l'ensemble de l'économie. Nous avons besoin d'une
explication pour savoir pourquoi cela ne peut être corrigé année après année.
4. Votre gouvernement s'est mis en
position de contracter des dettes auprès du FMI. Les objectifs officiels de
cette dette indiquent que c’est pour « l'amélioration de la compétitivité du
Cameroun et le potentiel de croissance à moyen terme ». Monsieur le Président,
ce sont des objectifs louables. Cependant, votre gouvernement a contracté son
premier prêt du FMI en 1997. En 2000, vous nous avez introduit dans le
programme « Pays Pauvre et Très Endetté » (PPTE). En 2017 vous avez
de nouveau contracté un prêt du FMI. Tous ces prêts portent les mêmes objectifs
cités ci-dessus. Pourquoi cela ? De 1997 à ce jour, la pauvreté a stagné à
environs 40% au Cameroun, les services de santé et d'éducation ont diminué en
qualité et vous avez été incapable de traduire la croissance du PIB en emplois
et revenus pour les Camerounais. Monsieur le Président, qu'est-ce que vous et
votre gouvernement avez l'intention de faire différemment cette fois-ci ?
Quelles mesures seront prises pour que cette dette que les Camerounais paieront
longtemps après vous, soit bénéfique pour les citoyens camerounais ?
5. En juin 2017, vous avez fourni des
directives budgétaires à votre gouvernement pour le budget national de 2018.
Dans ces directives, vous n'avez fait aucune mention de l'organisation des
élections. Il y a quatre élections sur le calendrier électoral du Cameroun pour
2018. Monsieur le Président, est-ce que vous jouez à nouveau avec la vie et
l'avenir des 23 millions de Camerounais que vous dites que nous sommes ?
Avez-vous l'intention de tenir des élections à la surprise générale du peuple
camerounais ? Ou alors vous comptez ne pas les tenir du tout ?
Monsieur le Président, Pour le Cameroon
People’s Party (CPP), ces crises
démontrent que la solution pour le Cameroun est celle d'une Transition
Politique. Notre pays doit mener une analyse objective et approfondie de sa
situation actuelle, puis reconstruire et redéfinir le fondement même de ce qui
nous unit en tant que peuple. Nous avons besoin d'institutions et de systèmes
qui nous permettrons de construire le Cameroun Leader en Afrique et dans le
monde.
Pour l’heure, les mesures urgentes que nous avons demandées ci-dessus exigent votre
attention dans les 2 à 3 prochaines semaines. Ce serait à la fois une
surprise et un soulagement de vous voir réagir dans ce délai.
Monsieur le Président, la situation actuelle
du Cameroun exige que vous preniez ces mesures pour éviter d'autres
catastrophes au peuple. Si vous ne
parvenez pas à le faire, cela signifierait qu’il est temps, pour vous, Monsieur
le Président, de mener l’action la plus importante de votre carrière politique,
celle de démissionner pour permettre au Cameroun d'entrer dans sa transition
politique et de construire son avenir.
Dans le plus grand intérêt de notre
bien-aimée nation,
Pour le Cameroon People’s Party
Kah Walla
Présidente Nationale
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